Demandes de brevet divisionnaires au Canada
- Alain Giguère
- 30 déc. 2024
- 5 min de lecture

Cet article explore les particularités du dépôt de demandes de brevet divisionnaires au Canada. Contrairement à d’autres juridictions comme l’Europe ou le Japon, ce n'est pas recommandé au Canada de déposer une demande divisionnaire volontaire. Au Canada, il est seulement conseillé de déposer une demande divisionnaire si l’examinateur a soulevé une objection pour absence d’unité lors de l’examen. Toutefois, si une demande divisionnaire est déposée volontairement, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) n’en rejettera pas le dépôt pour cette raison. L’OPIC acceptera le dépôt d’une demande divisionnaire volontaire et l’examinera comme toute autre demande, mais tout brevet résultant d’une telle demande pourrait être jugé invalide pour double brevetage en vertu de la jurisprudence canadienne. De plus, le Canada ne dispose pas d’une pratique de continuation comme aux États-Unis.
Ainsi, lorsqu’un avis d’acceptation est reçu et que des revendications supplémentaires sont
souhaitées, la seule option pour le demandeur est de déposer une requête d’examen continu
accompagnée d’une modification volontaire pour introduire ces revendications. Il est donc
fortement conseillé d’inclure toutes les revendications lors du dépôt initial de la demande ou,
tout au moins, au moment de la requête d’examen.
La base juridique pour une demande divisionnaire se trouve à l’article 36(1) de la Loi sur les
brevets, qui stipule :
« 36(1) Un brevet ne peut être délivré que pour une seule invention, mais, dans une
action ou une autre procédure, un brevet n’est pas réputé invalide du seul fait qu’il a été
délivré pour plus d’une invention. »
Cette disposition de la Loi sur les brevets doit être interprétée à la lumière de l’article 88 des
Règles sur les brevets, qui stipule :
« 88. Pour l’application de l’article 36 de la Loi, une seule invention vise notamment une
pluralité d’inventions liées entre elles de telle sorte qu’elles ne forment qu’un seul
concept inventif général. »
Il est important de noter que l’élément qui lie les revendications doit être inventif. Ainsi, les
examinateurs canadiens citent souvent l’art antérieur pour démontrer que les caractéristiques
communes ne sont pas inventives mais plutôt des caractéristiques de l’art antérieur.
Au Canada, il est permis d’avoir différentes catégories de revendications (par exemple,
système, méthode, support lisible par ordinateur, etc.) dans une même demande, à condition
que ces revendications soient unifiées par une caractéristique inventive commune.
Contrairement aux examinateurs américains, les examinateurs canadiens ne citent pas
différentes classifications de brevets comme base pour une objection pour absence d’unité. De
même, ils ne soulèvent pas la question d’une charge de recherche excessive comme motif pour
une telle objection.
Il est également permis au Canada de déposer une deuxième demande divisionnaire à partir
d’une première demande divisionnaire. Il est également permis de déposer des demandes
divisionnaires parallèles si l’objection pour absence d’unité concerne trois groupes de
revendications ou plus définissant des inventions distinctes. En conséquence, au Canada, les
demandes divisionnaires peuvent être déposées en série ou en parallèle.
Lorsqu’ils soulèvent une objection pour absence d’unité, les examinateurs canadiens examinent
souvent de manière proactive la nouveauté et l’inventivité d’un premier groupe de
revendications, en présumant que le demandeur est susceptible de choisir ce groupe pour
examen tout en retirant les autres groupes de revendications. Le demandeur est autorisé, une
seule fois, à sélectionner un autre groupe de revendications pour examen. L’examinateur
procèdera alors à l’examen du groupe sélectionné et émettra un rapport d’examen
supplémentaire. Le demandeur ne pourra pas ultérieurement revenir aux revendications
initialement examinées ni sélectionner un autre groupe de revendications dans cette demande
particulière.
Lors du dépôt d’une demande divisionnaire, il est permis d’inclure des revendications portant
sur une caractéristique inventive qui n’avait pas été revendiquée initialement. Cependant, le
demandeur doit veiller à ne pas modifier ultérieurement les revendications au cours de la
procédure de manière à chevaucher celles de la demande initiale ou de l’une de ses demandes divisionnaires. Considérons l’exemple suivant. Une demande initiale est déposée avec un premier groupe de revendications portant sur une caractéristique inventive A et un second groupe de revendications portant sur une caractéristique inventive B. L’examinateur soulève une objection pour absence d’unité au motif que la demande contient deux inventions distinctes. Le demandeur conserve les revendications relatives à la caractéristique A dans la demande initiale et supprime celles relatives à la caractéristique B. Le demandeur dépose alors une demande divisionnaire pour revendiquer la caractéristique B.
Le demandeur peut inclure dans la demande divisionnaire des revendications relatives à une
nouvelle caractéristique C qui n’avait pas été revendiquée auparavant, mais qui avait été
correctement divulguée dans la demande initiale. Alternativement, le demandeur peut ajouter les revendications portant sur la caractéristique C à la demande initiale, à condition que celle-ci soit encore en instance, tout en déposant une demande divisionnaire pour revendiquer
uniquement la caractéristique B.
Une demande doit être en instance (c’est-à-dire ni délivrée ni abandonnée irrévocablement)
pour permettre le dépôt d’une demande divisionnaire à partir de cette demande. Si la demande est abandonnée et peut encore être rétablie, il est permis de déposer une divisionnaire si la demande est encore dans le délai d’un an pour sa reprise. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de rétablir la demande abandonnée. De même, une fois qu’une demande est délivrée sous forme de brevet, il n’est plus possible de déposer une demande divisionnaire. En pratique, comme il n’y a pas de notification d’émission au Canada, contrairement aux États-Unis, une demande divisionnaire doit être déposée au moment du paiement de la taxe finale.
Une demande divisionnaire est considérée comme une demande distincte et indépendante
conformément à l’article 36(4) de la Loi sur les brevets. Cela signifie que lors du dépôt d’une
demande divisionnaire, toutes les taxes de maintien doivent être payées rétroactivement. La
demande divisionnaire est légalement réputée avoir la même date de dépôt que la demande
initiale dont elle a été divisée. Étant donné que la demande initiale et la divisionnaire sont
réputées avoir la même date de dépôt, elles ont toutes deux une durée maximale de 20 ans et
expirent donc à la même date, à condition que toutes les taxes de maintien soient payées
pendant toute la durée de vie des brevets. Cependant, il n’est pas nécessaire de maintenir à la
fois la demande initiale et la demande divisionnaire en vigueur en payant les taxes pour les
deux. Le propriétaire du brevet peut choisir de laisser l’une des deux tomber en désuétude en
cessant de payer les taxes de maintien, tout en maintenant l’autre en vigueur.
Étant donné que les brevets délivrés à partir de la demande initiale et de la demande
divisionnaire sont considérés comme distincts et indépendants, il est possible de vendre ou de
concéder sous licence l’un des deux sans vendre ou concéder l’autre.
Ce qui précède vise à fournir un aperçu général de la pratique relative aux brevets
divisionnaires au Canada à titre informatif uniquement. Il est conseillé au lecteur de ne pas
s’appuyer sur ces informations comme un avis juridique spécifique, mais de consulter un agent
de brevets canadien agréé.
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